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avec Thomas Julienne

Le chocolat de Baracoa (Cuba)

Développement culturel et économique autour de la richesse de ce coin de paradis atypique et reculé ignoré des circuits classiques.

Baracoa est une ville moyenne au charme rural et colonial avec ses vieilles demeures et ses trois forts. Elle peut de prime abord paraître en ruine, surtout si l’on se contente de parcourir le Malecón, promenade de front de mer, essuyant toutes les tempêtes et cyclones.

Mais située au cœur d’une nature extraordinairement généreuse, le café et le cacao y ont trouvé un terrain idéal pour se développer.


Trois semaines, trois mois, trois ans… C’est en1688 que le cacao arriva à Baracoa, autour de la baie de Porto Santo, car le climat s’y montrait favorable. Au cours du XIXe siècle. la cacaoculture est même devenue plus rentable que la caféiculture. C’est au-dessus de Baracoa en direction de la Farola que Yosmani, un paysan local, m’accueille dans sa modeste casita (maisonnette en bois) entourée de cacaoyers, arbres de 4 à 8 mètres de haut qui peuvent atteindre près de 10 mètres en forêt.

Le cacaoyer est caractérisé par une tige droite, un bois clair et une écorce brune, fine et lisse.

Le fruit, la cabosse, est long de 10 à 35 centimètres et contient entre 20 et 50 graines de cacao, nourries et protégées par une pulpe blanche appelée mucilage qui fait le délice des singes et des perroquets. Quand un guajiro comme Yosmani plante une graine, on dit qu’il lui faudra attendre trois semaines pour voir une tige sortir du sol, trois mois pour voir la tige se convertir en arbuste et trois ans pour que l’arbre produise son fruit.

Cosecha et lucha Yosmani me raconte qu’il porte le cacao tous les sept jours à la coopérative locale où les graines vont fermenter pendant une semaine avant de sécher entre huit et dix jours au soleil. La récolte bat son plein (cosechafuerte) entre mars et mai et se poursuit de juin à août (cosecha chiquita). Malgré un comptage fait au mètre carré de plantation pour estimer la production théorique, Yosmani avoue ne remettre qu’environ 60 % de sa récolte à l’Etat, et garder le reste pour la consommation familiale mais surtout pour fabriquer des boules de cacao revendues aux touristes.

C’est la lucha, mot désignant souvent le travail au noir, véritable soupape de sécurité de l’économie cubaine.

Sentez, frottez, grattez ! Les fameuses boules de cacao sont fabriquées et moulées à la main à partir de pâte de cacao pur obtenue après que les fèves aient été moulues à l’aide d’un moulin artisanal. Mais toutes les boules ne se valent pas car souvent de la farine est mélangée au cacao ! Méfiance donc à l’achat : sentez, frottez, grattez ! Ici les habitants préparent le chorote (chocolat chaud ou froid) en râpant les boules et en mélangeant le cacao avec de la farine, de l’eau, du sucre et de la cannelle.

Avec ces boules, le voyageur peut ramener chez lui un produit inaltérable et facile à transporter pour l’accommoder à son goût.

Des projets de diversification de la production existent et la négociation avec la Belgique devrait aboutir à un accord d’exportation de trois tonnes de fèves de Baracoa. Une exception, car la stratégie de Cuba est de garder ses fèves afin de privilégier les onze microfabriques artisanales locales, sans compter la fameuse usine de chocolat de Baracoa inaugurée en 1963 par Che Guevara Ministre de l’Économie de l’époque. Derrière ce protectionnisme, le caractère culturel, voire émotionnel, du chocolat explique la valeur quasi sacrée qu’on lui prête ici, résumée par Alejandro Hartmann, historiador (historien) de la ville : “le chocolat est l’esprit de Baracoa”.

< Texte et photos Jean-Marc Fiton (64)

Extrait du magazine Globe-Trotters N° 162